VOCATION

Patrimoine,création, filiation et vocation

Patrimoine… Ce mot m’aurait-il parlé lorsque j’ai frappé à la porte de l’atelier de Sylvie Gaudin, rue de la Grande Chaumière à Paris, pour m’initier à l’apprentissage du vitrail? A vingt-six ans passés et après des études de lettres, sur le point d’abandonner ce mirage qui vous fait croire que la vraie vie se trouve dans la littérature, j’étais dans un autre rêve : celui des bâtisseurs et des secrets enfouis, de la vraie connaissance, cachée peut-être, mais transmise par ceux qui savent. J’aurais donc plutôt songé à me rattacher à une filiation.

Dans cette pure logique, mais sans le vouloir, je retrouvai la terre de l’ancêtre Félix Gaudin (originaire de Clermont-Ferrand) lorsque, quelques années plus tard j’installai mon propre atelier à Vichy , ma ville natale.

C’est là que, lorsque j’étais enfant, ma mère m’emmenait deux fois par an, à pied, visiter toutes les églises de la ville dans les jours qui précédaient Pâques et Noël. La mise en scène dramatique du Vendredi Saint, peuplé de statues entièrement voilées de violet, mystérieuse escorte dépêchée de l’autre monde, l’odeur lourde des fleurs du reposoir, l’orbe de la crèche dont la lueur chaude et organique rassérénait comme un sein maternel, mais aussi le capiteux parfum mêlé des rameaux de buis, des chocolats qu’on y accrochait et des relents d’encens, tout cela imprégna en moi, et pour toujours, le goût du sacré, et des églises.

C’est beaucoup plus tard, alors que je pratiquais déjà mon métier, que me revint le souvenir de ma mère évoquant un jour devant un vitrail le secret perdu des couleurs.

Je m’installe donc à la fin des années soixante-dix. La question qui se pose alors assez souvent devant un vitrail en mauvais état, y compris pour les architectes du patrimoine, -et cela ne laisse pas de nous étonner aujourd’hui-, c’est celle de garder ou de jeter.

Aujourd’hui, on garde tout, ou presque. On a raison de garder tout. Mais cette raison est relative car chaque époque eut ses raisons. Détruire pour remplacer, ajouter, conserver, dissimuler l’ancien ou l’imiter, retrouver l’aspect antérieur, mais lequel? L’histoire a tout connu. Dans la pratique du quotidien, une bonne restauration -toujours un cas d’espèce-, sera conduite par le bon sens de l’intuition, la compétence de l’expérience et, osons le dire, l’intelligence, cette raison qui, selon Augustin, toujours marche devant !

Si la création garde ses droits, le travail de la conservation-restauration a pris beaucoup de place dans nos métiers. En 1976, Jean-Jacques Gruber, qui avait passé soixante-dix ans, en réunion à l’atelier de Sylvie Gaudin devant les vitraux de la Passion de la Cathédrale de Chartres, nous déclarait: « Mes enfants, l’avenir pour vous sera de prendre soin du patrimoine… »

Les vitraux de nos églises bourbonnaises datent (presque) tous de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Dans la superbe de mes trente ans, moi qui, je l’évoquais plus haut, avais commencé par « les plus beaux vitraux du monde » selon Emile Mâle (était-ce donc une malchance?) je me disais : « est-ce ma vie maintenant de m’occuper de ces choses-là? ». Les églises étaient si poussiéreuses, si froides, si humides. J’y suis aujourd’hui chez moi.

Que dirais-je aujourd’hui du patrimoine, n’est-ce pas la maison des pères de nos pères? Il est inné et il s’apprend. Depuis le catéchisme de mon enfance, Abraham, Isaac et Jacob sont mes arrière- grands-pères.

Dans ma jeunesse, l’idée que les œuvres d’art puissent se dégrader ou disparaître me plongeait dans la tristesse. Sans être jamais indifférent devant leur destruction par le temps ou par les hommes, j’accepte aujourd’hui qu’elles aient une vie, une naissance et une mort. Et ce caractère éphémère, comme notre finitude humaine, est pour nous l’étincelle de la conscience et de la dynamique créatrice. Dans l’idéal, la conservation et la création contemporaine devraient s’accompagner et se nourrir mutuellement.

Dans cette ligne entre héritage et filiation créatrice, oserai-je parler de vocation? C’est un mot un peu trop grand, un peu trop loin, un peu trop long à expliquer. Mon ancien maître en exégèse, Louis Monloubou au fin discours, disait un jour en homélie (elle ne comptait ce jour-là qu’une seule phrase):

Vous n’êtes pas là par hasard

Marc Bertola, maître-verrier,
Vichy, juin 2010

3 Comments

  1. luottoa janvier 21, 2015 7:55  

    luottoa…

    Arlie…

  2. anabolizzanti janvier 30, 2015 9:55  

    anabolizzanti…

    steroidi…

  3. sms lån 5000 juin 13, 2015 3:34  

    sms lån 5000…

    Det kan möjligen kräver nagra kompletterande energi genom trader ska det fa avtal och HUD-1 är verkligen inte kommer adekvat belägg , men husägaren kan rätt att den senaste hypotekslan alla kommer vanligtvis far 100% kreditbetyg grund av deras tidigare…

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